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Femmes vietnamiennes |
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Vietnamienne sur la passerelle du lac de nénuphars au jardin botanique Saïgon |
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Femme vietnamienne au jardin botanique de Saïgon |
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Tonkinoise |
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Femmes tribu Moï du Laos |
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Mère porteuse |
Lucien Bodard, le «Parc à buffles»
Le boulevard Galliéni d’une longueur de 5 Km, est une grande artère qui relie Saïgon à Cholon, on y trouve : sur le bord de celui-ci le «Parc à buffles» qui est à la fin des années 40 et au début de la décade suivante un gigantesque bordel de l’armée avec un sommaire cordon sanitaire, de nombreuses paillotes en terre battue et des centaines de filles contrôlées par des mères maquerelles pour le compte du corps expéditionnaire français - L’immense bordel de l’armée tourne comme une usine. Au-delà d’un fronton vaguement asiatique, au-delà d’un cordon sanitaire d’infirmiers sales et négligés, s’étend un enclos. Au centre, une vaste cour de terre battue fermée par des paillotes en quinconce, d’où monte une rumeur de bataille. Sortant de leurs huttes, des tourbillons de centaines de filles jaunes s’abattent sur les soldats de toutes les couleurs de peau du monde. Dans la mêlée, en se battant, en faisant des gestes obscènes, elles hurlent en français des mots extraordinairement orduriers, les seuls qu’elles connaissent. Les grasses maquerelles auxquelles elles appartiennent glapissent en vietnamien des mots d’encouragement. Les gagnantes rentrent avec leur proie dans les cabanes. Aussitôt le calme s’établit; les vaincues s’embrassent, pouffant de rire. Ces filles sont encore des paysannes. Elles sont habillées comme dans leurs villages, pieds nus, leurs minces corps flottant dans des pantalons noirs bouffants et de primitives blouses. Par la porte entre-ouverte d’un paillote, j’en vois une, debout, petite statue rustique et gracile, laver son sexe dans une kabat (un bol de bois) qu’elle tient elle-même, après un client, avant l’autre. C’est une vision de grâce. Personne n’a honte. On se gêne si peu qu’il y a un écriteau ainsi rédigé « Par ici, pour les fusils à trois coups ». C’est quand même extraordinaire que ce «Parc à buffles» soit placé au bord même du boulevard Gallieni, la grande artère qui! relie Saïgon à Cholon. Loin de la cacher, on l’étale face à la ville entière. Un sage m’a cependant expliqué :
les Viêt-Minh font de la vertu une mystique cruelle. Les français ont raison de s’opposer à eux en encourageant l’autre tradition asiatique : celle du bonheur par la jouissance, par la satisfaction de toutes les « illusions heureuses ». (Lucien Bodard, «l’enlisement»)